Le choix de l'alternative plus que de l'alternance, de la transformation plus que de la réforme
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Où en sommes nous 4 ans après le 21 avril 2002 ? Nul besoin de rappeler l’ensemble de la politique de la droite, qui met en pièce mois après mois nos principaux acquis sociaux, par une politique de régression sociale sans précédent. Le premier constat que l’on peut faire, au-delà de ce bilan désastreux pour ceux qui en souffrent au quotidien, c’est que quatre ans après le 21 avril, des leçons en ont été tirées par la droite et Nicolas Sarkozy : l’individualisme montant, la société de consommation qui se met en place sous nos yeux, où le vivre ensemble et la solidarité se délitent, la droite en a tiré parti non pas pour y remédier, mais bien au contraire pour promouvoir son modèle de société en les exacerbant.
Le modèle de société de la droite, c’est la mise en concurrence
des groupes sociaux les uns contre les autres, la guerre de tous contre tous,
des chômeurs contre les salariés et des salariés entre eux, des générations
entre elles, par une compétition de tous les instants dont le résultat n’est
que la prédominance de clivages artificiels sur la conscience collective. C’est
la promotion sans relâche de l’individualisme, de l’idée qu’il vous faudra
marcher sur la tête de votre voisin pour progresser. Cet individualisme, ce
consumérisme qui se développent, la droite a su en tirer profit pour en faire
sa politique.
Le deuxième constat est que ce sont sur ses valeurs que la
droite veut gagner, par la promotion d’une idéologie sécuritaire, la mise en
exergue de « classes dangereuses », un ultra-libéralisme décomplexé,
tout cela au nom d’un pragmatisme qui, revendiqué par la droite, signifie
régression des acquis sociaux et politique de classe favorisant les plus aisés.
La conséquence de tout cela, c’est que plus que
quelques politiques mises bout à bout, c’est un véritable modèle de société que
veut promouvoir la droite, et que nous devons analyser comme tel.
Un modèle de société à promouvoir, un horizon à définir
Face à cette droite, et Nicolas Sarkozy en particulier, qui
a décidé de gagner sur des valeurs, comme a réussi à le faire Bush, ce sera
uniquement en portant plus que jamais les nôtres que nous serons en capacité de
gagner en 2007. Face au modèle de société libéral et sécuritaire que défend la
droite, c’est un modèle alternatif qu’il faut développer, c’est notre propre
échelle de valeurs qu’il faudra imposer.
Plus qu’un catalogue de propositions, c’est un projet global
et un horizon de long terme que nous aurons à formuler, dans une société en
manque de repères. Si nous n’offrons pas de perspectives de long terme et
n’avançons pas suffisamment de réponses dans un univers d’incertitude
généralisée, comment s’étonner ensuite que la droite propose de réguler cette
incertitude par le marché et uniquement le marché ? L’horizon vers lequel
nous devons tendre, c’est le socialisme démocratique, porteur d’émancipation,
de justice sociale et de solidarité, parce que nous pensons que le politique et
la démocratie doivent primer sur la loi du marché, et qu’il est plus que jamais
nécessaire de partir à la reconquête des principes historiques de la gauche.
Un projet ambitieux, de nouveaux outils, une relation
étroite avec le mouvement social
Parce que nous n’avons pas renoncé à transformer la société,
avant d’être « raisonnables », nous devrons oser et inventer.
Oser dire quelles seront nos priorités et quels seront nos
objectifs à long terme. Oser dire quels
seront ceux que nous choisiront d’abord de défendre, à savoir les classes
sociales qui souffrent aujourd’hui de l’ultra-libéralisme ambiant, que ce
soient les classes populaires, les précaires ou encore les jeunes. Inventer de
nouveaux outils au service de ce camp, de nouveaux outils démocratiques et
politiques, pour se redonner les moyens de peser sur le cours des choses, au
niveau national comme au niveau mondial.
La priorité aujourd’hui doit être l’emploi et la question
sociale, qui doivent être au cœur du projet des socialistes. Quand 6 jeunes sur
10 entrent sur le marché du travail dans la précarité, quand le taux de chômage
avoisine toujours les 10% et que dans le même temps ces chômeurs sont poussés à
accepter n’importe quel emploi à n’importe quel salaire, quand les travailleurs
pauvres sont de plus en plus nombreux, et quand la précarité devient la règle
sur un marché du travail flexibilisé à outrance, nous nous devons d’offrir des
alternatives à ceux qui subissent un désastre social qui s’amplifie sous nos
yeux jour après jour.
Cela passe par une politique d’emploi volontariste, par une
politique industrielle réaffirmée et ambitieuse, par une reprise de la
réduction du temps de travail notamment. Face à la montée des contrats
précaires, à la société de travailleurs pauvres, nous devons faire le choix de
sécuriser les parcours professionnels et créer les conditions d’une
revalorisation générale des salaires pour enfin inverser l’évolution du rapport
entre le capital et le travail, défavorable aux salariés depuis maintenant 30
ans.
Nous devrons également apporter des réponses à une
mondialisation ultra-libérale dont nous ne pouvons rester les spectateurs
passifs en considérant ses ravages comme inéluctables. La mise en place
d’outils permettant de réguler le capitalisme financier doit être une des
priorités des socialistes, outils à rechercher tant au niveau de l’entreprise
elle-même, par une démocratie sociale effective, qu’au niveau national et
surtout européen, car nous ne pourrons prétendre remettre en cause l’ordre
libéral mondial avec une Europe dont l’hypocrisie envers les pays du Sud
atteint des sommets, lorsqu’elle défend les subventions à l’exportations ou
qu’elle prône la libéralisation des services en faisant pression en faveur de
l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS).
Mais au-delà des propositions que nous pourrons formuler,
nous pensons qu’aujourd’hui dire ce que nous ferons ne suffit plus, il faut
également dire comment nous le ferons. La réforme d’institutions vieillissantes
et dépassées, et l’avènement d’une 6ème République parlementaire paraît ainsi
être une urgence démocratique et sociale, car ce sont les classes populaires
qui souffrent d’abord d’un système institutionnel à bout de souffle. La
situation actuelle prouve en effet une fois de plus que crise sociale et crise
démocratique sont intimement liées, car à l’ultra-libéralisme qui prive les
citoyens de l’exercice réel de leur souveraineté, s’ajoute la crise de
légitimité d’institutions qui ne leur donnent plus la parole : bien plus qu’une
lubie, le sursaut démocratique est désormais indispensable.
Dire comment nous mettrons en place notre politique, c’est
aussi réhabiliter l’impôt, en tant qu’instrument au service de la justice
sociale et d’une redistribution effective des richesses, et nous devrons
assumer leur augmentation, tout en nous efforçant de les rendre plus progressifs
et moins inégalitaires par une réforme fiscale de grande ampleur.
Cette lutte de tous les jours, de tous les instants, nous ne
pourrons le mener qu’avec les acteurs du mouvement social, qu’ils soient
syndicaux, mutualistes ou associatifs, par un partenariat qui ne soit en aucun
cas une subordination ou instrumentalisation. Parce que les grands changements
ne peuvent se produire sans une gauche qui sache écouter les mouvements sociaux
à l’œuvre, parce que nous refusons de considérer qu’il y a une gauche qui
légifère et une gauche qui descend dans la rue, nous voulons une gauche actrice
des rapports de force sociaux, une gauche de mouvement qui prenne des risques,
une gauche qui œuvre à la mobilisation des forces politiques et sociales pour
transformer la société, bref une gauche qui soit de toutes les luttes et de
tous les combats.
Choisir notre camp, porter l’alternative
Parce que la société a changé, que le monde a évolué, nous
devons apporter de nouvelles réponses. Mais parce que nous n’avons pas renoncé
à nos idéaux, ces nouvelles réponses ne pourront se limiter à une simple
« régulation » qui serait tout juste pansement aux dégâts du
capitalisme financier mondialisé. C’est bien pour un autre modèle de
développement que nous militons, où la démocratie et le progrès social ne
soient plus une utopie lointaine, un modèle global de société à l’opposé de
celui proposé aujourd’hui par la droite, en retrouvant notre sens des priorités
sociales et de l’ambition collective, en réanimant notre esprit de conquêtes
que nous n’aurions jamais dû perdre, car on ne peut gagner des combats que l’on
ne mène pas.
Lors du meeting national du MJS le 22 avril 2006, François
Hollande affirmait que nous avions à construire un projet pour la France. C’est
en effet le cas. Mais notre projet, s’il s’adresse à l’ensemble de la société,
ne peut se passer de priorités, et devra être construit d’abord en direction de
notre base sociale naturelle. En direction de ceux qui subissent, au quotidien,
depuis maintenant 4 ans, l’ultra-libéralisme. Ceux qui ne pourront supporter
cinq années supplémentaires de droite dure. Ceux qui représentent notre camp,
et que nous devons choisir de défendre, parce que nous faisons le choix d’être
partisans, de servir en priorité la cause de ceux pour qui un avenir meilleur
ne peut se traduire que par une alternative forte et un projet de
transformation sociale durable portés par des socialistes plus que jamais
déterminés et ambitieux.