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Nouvelle Gauche 44
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23 juin 2006

Le choix de l'alternative plus que de l'alternance, de la transformation plus que de la réforme

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Où en sommes nous 4 ans après le 21 avril 2002 ? Nul besoin de rappeler l’ensemble de la politique de la droite, qui met en pièce mois après mois nos principaux acquis sociaux, par une politique de régression sociale sans précédent. Le premier constat que l’on peut faire, au-delà de ce bilan désastreux pour ceux qui en souffrent au quotidien, c’est que quatre ans après le 21 avril, des leçons en ont été tirées par la droite et Nicolas Sarkozy : l’individualisme montant, la société de consommation qui se met en place sous nos yeux, où le vivre ensemble et la solidarité se délitent, la droite en a tiré parti non pas pour y remédier, mais bien au contraire pour promouvoir son modèle de société en les exacerbant.

Le modèle de société de la droite, c’est la mise en concurrence des groupes sociaux les uns contre les autres, la guerre de tous contre tous, des chômeurs contre les salariés et des salariés entre eux, des générations entre elles, par une compétition de tous les instants dont le résultat n’est que la prédominance de clivages artificiels sur la conscience collective. C’est la promotion sans relâche de l’individualisme, de l’idée qu’il vous faudra marcher sur la tête de votre voisin pour progresser. Cet individualisme, ce consumérisme qui se développent, la droite a su en tirer profit pour en faire sa politique.

Le deuxième constat est que ce sont sur ses valeurs que la droite veut gagner, par la promotion d’une idéologie sécuritaire, la mise en exergue de « classes dangereuses », un ultra-libéralisme décomplexé, tout cela au nom d’un pragmatisme qui, revendiqué par la droite, signifie régression des acquis sociaux et politique de classe favorisant les plus aisés. 

La conséquence de tout cela, c’est que plus que quelques politiques mises bout à bout, c’est un véritable modèle de société que veut promouvoir la droite, et que nous devons analyser comme tel.

Un modèle de société à promouvoir, un horizon à définir

Face à cette droite, et Nicolas Sarkozy en particulier, qui a décidé de gagner sur des valeurs, comme a réussi à le faire Bush, ce sera uniquement en portant plus que jamais les nôtres que nous serons en capacité de gagner en 2007. Face au modèle de société libéral et sécuritaire que défend la droite, c’est un modèle alternatif qu’il faut développer, c’est notre propre échelle de valeurs qu’il faudra imposer. 

Plus qu’un catalogue de propositions, c’est un projet global et un horizon de long terme que nous aurons à formuler, dans une société en manque de repères. Si nous n’offrons pas de perspectives de long terme et n’avançons pas suffisamment de réponses dans un univers d’incertitude généralisée, comment s’étonner ensuite que la droite propose de réguler cette incertitude par le marché et uniquement le marché ? L’horizon vers lequel nous devons tendre, c’est le socialisme démocratique, porteur d’émancipation, de justice sociale et de solidarité, parce que nous pensons que le politique et la démocratie doivent primer sur la loi du marché, et qu’il est plus que jamais nécessaire de partir à la reconquête des principes historiques de la gauche.


Ce nouveau modèle de développement, nous devons le construire en réponse aux différentes crises qui se font jour à l’heure actuelle, à savoir principalement une crise sociale et une crise démocratique. C’est à la seule condition de la compréhension que nous aurons de ces crises et du projet de société qui en découlera, que nous serons en capacité de transformer la colère sociale et les révoltes des plus démunis en espérance politique. Un projet de société sans renoncement mais nourri d’ambitions, aux priorités claires, pour traduire nos valeurs en actes.


Un projet ambitieux, de nouveaux outils, une relation étroite avec le mouvement social 

Parce que nous n’avons pas renoncé à transformer la société, avant d’être « raisonnables », nous devrons oser et inventer.
Oser dire quelles seront nos priorités et quels seront nos objectifs à long terme. Oser dire quels seront ceux que nous choisiront d’abord de défendre, à savoir les classes sociales qui souffrent aujourd’hui de l’ultra-libéralisme ambiant, que ce soient les classes populaires, les précaires ou encore les jeunes. Inventer de nouveaux outils au service de ce camp, de nouveaux outils démocratiques et politiques, pour se redonner les moyens de peser sur le cours des choses, au niveau national comme au niveau mondial.

La priorité aujourd’hui doit être l’emploi et la question sociale, qui doivent être au cœur du projet des socialistes. Quand 6 jeunes sur 10 entrent sur le marché du travail dans la précarité, quand le taux de chômage avoisine toujours les 10% et que dans le même temps ces chômeurs sont poussés à accepter n’importe quel emploi à n’importe quel salaire, quand les travailleurs pauvres sont de plus en plus nombreux, et quand la précarité devient la règle sur un marché du travail flexibilisé à outrance, nous nous devons d’offrir des alternatives à ceux qui subissent un désastre social qui s’amplifie sous nos yeux jour après jour.
Cela passe par une politique d’emploi volontariste, par une politique industrielle réaffirmée et ambitieuse, par une reprise de la réduction du temps de travail notamment. Face à la montée des contrats précaires, à la société de travailleurs pauvres, nous devons faire le choix de sécuriser les parcours professionnels et créer les conditions d’une revalorisation générale des salaires pour enfin inverser l’évolution du rapport entre le capital et le travail, défavorable aux salariés depuis maintenant 30 ans.

Nous devrons également apporter des réponses à une mondialisation ultra-libérale dont nous ne pouvons rester les spectateurs passifs en considérant ses ravages comme inéluctables. La mise en place d’outils permettant de réguler le capitalisme financier doit être une des priorités des socialistes, outils à rechercher tant au niveau de l’entreprise elle-même, par une démocratie sociale effective, qu’au niveau national et surtout européen, car nous ne pourrons prétendre remettre en cause l’ordre libéral mondial avec une Europe dont l’hypocrisie envers les pays du Sud atteint des sommets, lorsqu’elle défend les subventions à l’exportations ou qu’elle prône la libéralisation des services en faisant pression en faveur de l’Accord Général sur le Commerce des Services (AGCS).

Mais au-delà des propositions que nous pourrons formuler, nous pensons qu’aujourd’hui dire ce que nous ferons ne suffit plus, il faut également dire comment nous le ferons. La réforme d’institutions vieillissantes et dépassées, et l’avènement d’une 6ème République parlementaire paraît ainsi être une urgence démocratique et sociale, car ce sont les classes populaires qui souffrent d’abord d’un système institutionnel à bout de souffle. La situation actuelle prouve en effet une fois de plus que crise sociale et crise démocratique sont intimement liées, car à l’ultra-libéralisme qui prive les citoyens de l’exercice réel de leur souveraineté, s’ajoute la crise de légitimité d’institutions qui ne leur donnent plus la parole : bien plus qu’une lubie, le sursaut démocratique est désormais indispensable.
Dire comment nous mettrons en place notre politique, c’est aussi réhabiliter l’impôt, en tant qu’instrument au service de la justice sociale et d’une redistribution effective des richesses, et nous devrons assumer leur augmentation, tout en nous efforçant de les rendre plus progressifs et moins inégalitaires par une réforme fiscale de grande ampleur.

Enfin, porter nos valeurs implique de faire le constat suivant : face à l’idéologie libérale qui se diffuse au quotidien dans les medias, principaux vecteurs des représentations collectives de la société, face à un libéralisme culturel qui tend à nous faire intégrer qu’il est normal de considérer l’horizon du tout-marché, de la dérégulation, de la baisse des charges et des impôts, comme nécessaire, nous avons à mener une bataille des consciences que nous sommes aujourd’hui en train de perdre, faute de réussir à réactiver nos valeurs. Quand les socialistes ne mènent pas leurs combats avec conviction, ce sont les valeurs collectives qui sont conquises par l’idéologie néo-libérale, propagée lentement mais sûrement par les pouvoirs politiques et économiques en place, largement aidés par leur contrôle des moyens de communication de masse. Nous aurons ainsi à nous poser la question des moyens que nous nous donnons pour faire face à un système libéral qui, comme le disait Bourdieu, « est une arme de conquête qui détruit le système immunitaire de ses victimes ». Nous devrons dire que ce système ne relève pas de l’ « ordre des choses », nous devrons faire le choix non seulement d’être fidèle à nos valeurs, mais également se donner la capacité que celles-ci prennent le pas sur les valeurs marchandes et individualistes de la société libérale, par un combat qui devra se mener au quotidien, que ce soit par notre résistance à l’ordre médiatique existant, que ce soit par le biais des associations d’éducation populaire, créatrices de lien social et de solidarités, ou que ce soit encore tout simplement par notre volonté de se tenir debout, fiers de nos idées, sans les refouler derrière un pseudo pragmatisme qui est souvent le premier des renoncements.

Cette lutte de tous les jours, de tous les instants, nous ne pourrons le mener qu’avec les acteurs du mouvement social, qu’ils soient syndicaux, mutualistes ou associatifs, par un partenariat qui ne soit en aucun cas une subordination ou instrumentalisation. Parce que les grands changements ne peuvent se produire sans une gauche qui sache écouter les mouvements sociaux à l’œuvre, parce que nous refusons de considérer qu’il y a une gauche qui légifère et une gauche qui descend dans la rue, nous voulons une gauche actrice des rapports de force sociaux, une gauche de mouvement qui prenne des risques, une gauche qui œuvre à la mobilisation des forces politiques et sociales pour transformer la société, bref une gauche qui soit de toutes les luttes et de tous les combats.


Choisir notre camp, porter l’alternative

Parce que la société a changé, que le monde a évolué, nous devons apporter de nouvelles réponses. Mais parce que nous n’avons pas renoncé à nos idéaux, ces nouvelles réponses ne pourront se limiter à une simple « régulation » qui serait tout juste pansement aux dégâts du capitalisme financier mondialisé. C’est bien pour un autre modèle de développement que nous militons, où la démocratie et le progrès social ne soient plus une utopie lointaine, un modèle global de société à l’opposé de celui proposé aujourd’hui par la droite, en retrouvant notre sens des priorités sociales et de l’ambition collective, en réanimant notre esprit de conquêtes que nous n’aurions jamais dû perdre, car on ne peut gagner des combats que l’on ne mène pas.

Lors du meeting national du MJS le 22 avril 2006, François Hollande affirmait que nous avions à construire un projet pour la France. C’est en effet le cas. Mais notre projet, s’il s’adresse à l’ensemble de la société, ne peut se passer de priorités, et devra être construit d’abord en direction de notre base sociale naturelle. En direction de ceux qui subissent, au quotidien, depuis maintenant 4 ans, l’ultra-libéralisme. Ceux qui ne pourront supporter cinq années supplémentaires de droite dure. Ceux qui représentent notre camp, et que nous devons choisir de défendre, parce que nous faisons le choix d’être partisans, de servir en priorité la cause de ceux pour qui un avenir meilleur ne peut se traduire que par une alternative forte et un projet de transformation sociale durable portés par des socialistes plus que jamais déterminés et ambitieux.

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